mardi 5 janvier 2010

Quelle autre solution que de se dissoudre....

"Ce matin, nous allons discuter la dissolution de l'Ordre de l'Étoile. Beaucoup vont être ravis, d'autres en seront tristes. Mais il ne s’agit pas ici de joie ni de tristesse, puisque cette dissolution est inévitable, comme je vais vous le démontrer. Peut-être vous souvenez-vous de cette histoire du diable et de son ami : Ils marchaient dans la rue et ils aperçurent un homme qui se baissait pour ramasser quelque chose et le mettre dans sa poche. L'ami dit au diable: - “ Qu'est-ce que cet homme vient de ramasser ? ” - “ Un petit bout de Vérité ” répondit le diable. - “Mauvaise affaire pour vous ! ” remarqua l'ami. - “Pas du tout répliqua le diable, car je vais le laisser en organiser l'église ! ”. La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit: aucune religion, aucune secte."

Ainsi Krishnamurti, jusque-là révéré comme messie de l'ordre de l'Étoile qui regroupait des milliers de membres, met fin à l'Ordre en 1929, à son devoir messianique, renvoyant brutalement les disciples à leur triste crainte d'être seuls:
"Vous êtes habitués à l'autorité, ou à l'atmosphère de l'autorité: vous attendez d'elle de vous faire accéder à la vie spirituelle. Vous croyez, vous espérez, qu'un autre, par des pouvoirs extraordinaires, un miracle, va vous transporter dans la région de la liberté éternelle, qui est le Bonheur. Toute votre conception de la vie est basée sur cette croyance."

La fin de l'Ordre et la fin de l'ordre nous met devant les murs de nos trois prisons:
  • Une prison sémantique : Nous ne pouvons pas penser en dehors du langage, tout ce que nous ne pouvons pas nommer nous est inaccessible. "Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence" a écrit Wittgenstein. Ce dont on ne peut parler, c'est ce qui se cache sous notre cortex. A l'intérieur, tout n'est que désir et bas instincts de domination, que notre cortex cherche à vocaliser de manière acceptable socialement. Mais le tissus de la vérité, vous en conviendrez, a toutes les chances de ne pas faire partie de notre vocabulaire. Alors on fait des rites et des lumières, des mathématiques et des symboles, pour avoir l'impression, encore, de dominer un peu quelque chose. Sauf que la prison sémantique n'a pas de porte seulement quelques fenêtres donnant sur les œuvres des artistes ou une musique lointaine..
  • Une prison biologique : Nous ne pouvons pas voir l'essentiel du visible, seulement une fenêtre de longueur d'onde, même pas la même que les autres animaux. Nous ne sentons rien ou presque, nous ne ressentons rien du champ magnétique terrestre, s'il est beau, nous ne le saurons jamais. Parfois, par quelques artifices ou l'aide de machines, nous pouvons un peu regarder par dessus l'aile du pigeon voyageur comment sont arrangées les lignes de champs terrestres.
  • Une prison sociale : Nous ne pouvons pas penser différemment des singes dont nous co-descendons non sans condescendance.Nos structures sociales dominants-dominés, de l'État à l'entreprise sont celles de toute tribu de singe. Il semble que les Bonobos, avec lesquels nous partageons 98,4% de nos gènes, règlent cela par le sexe et l'intimidation. Il semble que nous ayons essayé de faire autrement. Évidemment sans succès. Dans un groupe égalitaire, certains sont toujours plus égaux que d'autres. Et nous retournons sur notre rocher, les singes du haut considérant les singes du bas.
Désolantes prisons. Pourtant parfois, avec élégance, quelques hommes respirent un peu d'air de cet inaccessible extérieur. Quelques uns. Jamais plus. Car dés que les autres le savent, ils veulent tout de suite créer une église bien ordonnée pour s'en féliciter.